Afin de conjurer le sort qui nous congédie de nos musées, la Galerie Frémeaux présente au public une trentaine de tableaux de la période 1848-1914, à l’instar du Musée d’Orsay, toutes proportions gardées. Nous substituons aux travaux des grands maîtres de l’histoire de l’art, Courbet, Manet, Monet, Degas et tant d’autres, des œuvres de leurs héritiers, représentatifs des grands mouvements picturaux qui rythmèrent ce long demi-siècle.
La période 1848-1860 fut marquée par des changements artistiques qui vont influer sur l’apparition de la modernité. Les représentations académiques historiées ou idéalisées, au style policé et léché, laissèrent progressivement place à des compositions réalistes privilégiant le paysage et les scènes rurales. L’huile sur toile de l’École française Jeunes bergères et leur troupeau (signée Corot) que nous exposons ici en témoigne. Si l’oeuvre paraît encore empreinte de classicisme, elle s’attache désormais à restituer le réel par l’usage d’une touche dynamique et matiérée. Notons par ailleurs le trait d’humour du peintre qui, pour invitation à nous immerger dans le tableau, met malicieusement en scène une vache nous observant (sur la droite).
En 1874, à la suite de l’exposition de la toile de MonetImpression, Soleil levant, le critiqueLouis Leroy ironisant sur le titre du tableau, fut à l’origine de l’apparition du terme« Impressionisme » et partant, du mouvement éponyme. Les artistes de cette nouvelle tendance, désireux de régénérer la peinture, éclaircirent leurs palettes et utilisèrent des couleurs vives étalées par touches. Une technique qui s’appuyait sur les théories scientifiques contemporaines de décomposition de la lumière et des mélanges optiques. Ce nouveau style va rapidement faire florès. Les peintres Séné, Boisgontier ou Baron en sont les plus vibrants exemples.
Le moyen-métrage de Nelly Kaplan sur Gustave Moreau (Éd. Frémeaux & Associés - FA 4028) est assurément l’une des meilleures introductions au troisième courant artistique qui va marquer le tournant des XIXe et XXe siècles en peinture. Le Symbolisme, que l’on pourrait qualifier d’état d’esprit plus que d’école, s’assigna pour tâche d’échapper au credo scientiste des impressionnistes et des pointillistes. Estimant que le réel n’était pas réductible à la matière, la « nouvelle peinture » préféra suggérerun monde imaginaire constitué de signes et de symboles. Ce style lyrique inspirera le jeune Maurice Chabas dont les huiles sur carton aux tons pastels et à la manière esquissée en sont de parfaites illustrations.
Le Réalisme, l’Impressionnisme et le Symbolisme furent les trois voies stylistiques les plus fécondent du second XIXe siècle, reformulant sans cesse le rapport que le peintre entretenait au réel, mais comme le disait Paul Valéry : « Le style, pour l’écrivain aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. »
Christophe Lointier & Patrick Frémeaux