La Galerie Frémeaux et Associés présente une exposition d’art primitif et coutumier des petites îles de la Sonde et de la Papouasie grâce à une collection d’une quarantaine de masques et statues du Timor (anciennement îles de la Sonde) et de sculptures Papoues. Environ 2000 ans avant notre ère, les austronésiens, peuples du Sud de la Chine, immigrent vers l’Indonésie et constituent sans doute les premiers marin de l’Histoire de l’humanité. Le caractère insulaire de ces zones favorise le développement indépendant et original de cultures tribales appuyées sur un art coutumier propre. Le Timor connait à ce jour deux langues majeures : le malaya-mélanésien et le Papou, signe de la connexion persistante entre ces deux îles, expliquant la communauté esthétique de l’art tribal entre ces deux régions.
Les œuvres présentées vont du Korwar, célèbre statue funéraire papoue dont un modèle à l’esthétique semblable avait servi de couverture à une exposition des musées Barbier Mueller jusqu’à de très grands masques en bois de coco, en passant par des statues à la facture très contemporaine, semblables par leur aspect à des pièces exposées au musée du Quai Branly.
Ces objets ont été acquis dans des villages tribaux par des collecteurs timoriens dans les 20 dernières années et ensuite sélectionnés en Août 2010 en Indonésie par Claude Colombini, Patrick Frémeaux et moi-même pour les faire importer par la Galerie Frémeaux & Associés. L’ancienneté de ces objets va de 40 ans pour les masques en bois de coco et certaines statues, de 70 à 90 ans pour des statues de la tribu Fatuleu de l’Ouest Timor, et jusqu’à 120 ans pour les œuvres Bulu-mandeu.
Chaque collecteur a pu établir le niveau d’ancienneté de chaque œuvre par la mesure du nombre de générations l’ayant connue et utilisée. Un objet manié par les grands-parents a plus de 40 ans, un objet qui provient d’arrières-grands parentsest donc vieux de 50 à 70 ans ; il est ainsi nécessaire de pouvoir remonter sur plus de 5 à 6 générations afin de dater un objet ayant plus de 120 ans.
Chaque objet présenté dans cette exposition par la Galerie Frémeaux & Associés a donc servi dans son rôle spirituel ou coutumier. Des objets ayant entre 40 et 120 ans peuvent-ils être qualifiés d’art primitif tribal ?
En Afrique une ancienneté de 150 à 300 ans est nécessaire pour que l’objet n’ait pas subi une forme d’« acculturation » ou d’« enrichissement » liée à la rencontre entre la civilisation tribale et l’Occident pour pouvoir parler d’art premier. Bien que l’Insulinde ait commencé à entretenir des relations avec l’Occident vers le XVème siècle et fut un comptoir pour la Compagnie Hollandaise des Indes, l’ancien Timor, comme la Papouasie, a conservé son identité culturelle tribale et n’a pas connu de transformation liée à la mondialisation. A ce jour, le Timor n’offre toujours pas d’infrastructures touristiques.
Au-delà de la force esthétique des objets, cette exposition intéressera toute personne sensible à l’histoire de l’art. Il suffit d’être allé dans n’importe quel musée d’art occidental pour voir combien tous les mouvements d’art du XXème siècle, de Picasso à l’art brut, sont les héritiers volontaires ou non de l’art tribal d’une grande majorité des ethnies du monde entier. La Galerie Frémeaux & Associés présentera en simultané une sélection d’estampes modernes choisies parmi son fonds de 3000 gravures et lithographies des grands maîtres du XXème siècle.
Ces quarante objets ethniques issus du Sud-est de l’Indonésie, des îles de la Sonde et de la Papouasie, sont des exemples de la force de l’expressivité artistique que l’art primitif révèle aujourd’hui à toute l’humanité.
Lola Caul-Futy Frémeaux