Il est des œuvres qui valent pour leur force expressive singulière, et d’autres, pour leur puissance évocatoire combinant les formes d’un patrimoine culturel commun. Mais rares sont celles qui mêlent intimement les deux tendances, sans que l’une prévale sur l’autre. Et c’est précisément sur cette ligne de crête que chemine Benoît Moreau (alias Benito).
La singularité du peintre tient avant tout à son art de coloriste. Benito s’accorde dans ce domaine toutes les audaces (couleurs pures, ruptures de tons...). Une harmonisation spontanée qui relève de l’improvisation. Et à la fraîcheur de la couleur répond la franchise du trait. Les figures brutes et stylisées du peintre, réduites à leur plus élémentaire expression, semblent surgir d’un monde archaïsant où se confondent narration personnelle et mythe collectif. Un art proche du pariétal qui récapitule nombre de mouvements picturaux occidentaux du XXe siècle et cite expressément les arts traditionnels africains.
Car face aux figures aux membres rabattus de Benito, comment ne pas penser au cubisme de Picasso, lui-même inspiré par l’art coutumier africain (Les Demoiselles d’Avignon) ? Devant l’angulosité et la simplicité de certains motifs, ou l’étirement de certaines formes, comment ne pas se ressouvenir des œuvres de Victor Brauner ou de Wifredo Lam ? Et que dire de ces silhouettes cernées de noir ou de ces aplats colorés ? Ils paraissent tout droit sortis d’une toile de Corneille, d’Asger Jorn ou de Jean-Michel Basquiat.
Ainsi peint Benito, à la fois artiste de l’hommage et de son dépassement.
Christophe Lointier & Patrick Frémeaux